Accéder au contenu principal

L’arbitrage en droit espagnol des sociétés, à l’aune du droit comparé

Une étude[1] de JEAN PAUL CORREA DELCASSO

Professeur de droit - Avocat. Arbitre

Dans la présente étude, l’auteur expose l’évolution qu’a connue la pratique de l’arbitrage en droit espagnol depuis ses débuts. Il analyse, d’un point de vue pratique, les principales solutions dégagées par la jurisprudence espagnole, en ce qui concerne l’arbitrabilité d’un grand éventail de litiges, question qui s’est traditionnellement posée en droit espagnol. Il compare la situation avec celle d’autres systèmes juridiques européens culturellement proches.

 

1. INTRODUCTION

L’arbitrage en droit des sociétés constitue, sans doute, un domaine de grande actualité. En effet, cette matière a fait et fait encore, désormais, l’objet de nombreux commentaires et de décisions prétoriennes diverses, tant en Espagne comme dans d´autres pays européens, tels que la France, la Belgique ou l’Italie[2]. La raison, qui n’échappe à personne, est double : d’une part, le champ de cette matière est très vaste, ainsi qu’en atteste sa dénomination-même; d’autre part, il existe actuellement une impérieuse nécessité pour le monde entrepreneurial et pour notre société, en général, de voir résolus les conflits le plus rapidement possible.
En ce sens, et en ce qui concerne son champ d´application, l´arbitrage en droit des sociétés ne comprend pas que la contestation d’accords sociaux, mais également de multiples litiges liés au domaine sociétaire dans son ensemble[3]. C´est pourquoi, dans unmonde actuel caractérisé par le phénomène de la globalisation, où priment quasiment toujours la rapidité et l’immédiateté, ce mode alternatif de règlement de litiges est appelé à s´imposer, comme le souligne très pertinemment, entre autres, Hernández Zubizarreta[4].
Compte tenu de son importance croissante et de sa longue tradition juridique en Espagne, la présente étude abordera les principaux événements qui ont affecté ce mode alternatif de règlement de litiges en Espagne, pour ensuite identifier les principaux litiges intrinsèquement sociétaires qui sont tous les jours réglés par ce biais.

2. EVOLUTION HISTORIQUE DE L’ARBITRAGE EN MATIÈRE DE DROIT DES SOCIÉTÉS EN ESPAGNE

Tout d´abord, avant d´aborder la matière objet du présent chapitre, il convient avant tout d´identifier la notion même d’arbitrage en matière de droit des sociétés. En effet, comme son propre nom l’évoque, ce concept doit être entendu comme désignant tout litige arbitrable susceptible de survenir au sein d’une société[5], au-delà du champ strict de la simple contestation d’accords sociaux. Désormais, d’autres domaines tels que ceux de la séparation ou de l’exclusion des associés, de la liquidation ou de la dissolution des sociétés commerciales et, encore, de la responsabilité des dirigeants, rentreront donc dans le vaste domaine de cette notion.
Et c´est sous un tel prisme – c’est-à-dire, à partir d’une acception large du terme (qui est, en outre, la plus proche de son sens grammatical) –, que nous pourrons constater que l’arbitrage en matière de droit des sociétés a toujours été admis en Espagne : en attestent, effectivement, les multiples décisions de nos juridictions (notamment cellesrendues au cours des dernières décennies), qui consacrent la clause d’arbitrage dans des domaines aussi divers que l’exclusion d’un associé ou la responsabilité des dirigeants. Il n’en demeure pas moins que la contestation d’accords sociaux (qui est l’une des questions les plus importantes sur un plan tant qualitatif que quantitatif, comme nous le verrons tout de suite) a fait de même l’objet de nombreuses thèses anti-arbitrage, fort heureusement dépassées de nos jours.
En ce sens, comme le soulignent Carazo Liébana, Campo Villegas[6] et Cremades[7], le débat relatif à l’arbitrabilité de la matière qui nous occupe a connu, depuis ses débuts, plusieurs étapes:

  1. 1ère Etape
    Initialement, la contestation d’accords sociaux par la voie de l’arbitrage avait été admise sans réserve par la Cour de cassation espagnole (ou « Tribunal Supremo »), dans des décisions célèbres, telles celles du 26 avril 1905 et du 9 juillet 1907. En effet, doit-on rappeler que le contexte législatif était, même avant cette époque, particulièrement favorable à l’arbitrage, comme le prouve sa règlementation contenue dans la Constitution de Cadix de 1812 ou dans le Code de commerce de 1829 qui instaura le caractère obligatoire de l’arbitrage en matière de Droit des sociétés[8].
  2. 2ème Etape
    Néanmoins, après la promulgation de la Loi sur l’arbitrage de 1953, s’est ouverte malheureusement en Espagne une parenthèse négative très défavorable à l’arbitrage, relayée par une grande partie de la doctrine et de la jurisprudence des tribunaux espagnols. Entre eux, la Cour d’Appel de Barcelone[9], qui s´est basée sur des doctrines peu ou mal fondées (certes similaires à celles d’autres droits de pays européens[10]), qui ont soutenu le caractère inopportun de la non-arbitrabilité des contestations d’accords sociaux (et, par extension, des litiges relevant de l’ensemble du droit des sociétés), par les motifs suivants : 
    a) En premier lieu, l’existence hypothétique d’une compétence exclusive pour trancher ce genre de litiges en faveur des tribunaux étatiques, thèse complètement erronée qui, comme le souligne Campo Villegas, «confondait les droits substantiels avec les voies de droit objectif permettant de les résoudre, de sorte que la disponibilité ou l’indisponibilité de la matière relevait de la norme impérative procédurale au lieu de faire référence au droit matériel »[11].

    b) Deuxièmement, la doctrine soutenait ensuite qu’il fallait tenir compte du caractère plus ou moins fermé de la société commerciale qui contenait, dans ses statuts, une clause compromissoire. Tout comme à l’instar d’autres systèmes juridiques européens[12], il était désormais soutenu que l’arbitrage sociétaire n’avait pas lieu d’être dans les sociétés anonymes ouvertes ou cotées en bourse, dans lesquelles l’associé est souvent perçu comme un simple investisseur[13].

    c) En troisième lieu, le devoir de sauvegarder les intérêts des tiers était – et demeure encore – un argument pertinemment défendu par une doctrine très autorisée[14], qui considérait que les tiers devaient intervenir dans la procédure. Cependant, le législateur espagnol n’a pas saisi encore l’occasion de régir cette importante question qui demeure toujours sans réponse, tout particulièrement lors de la dernière révision de la Loi sur l’arbitrage[15].

    d) Quatrièmement, le caractère dispositif de cette matière était souvent confondu avec le caractère impératif des normes qui la régissaient, comme si les arbitres n´avaient pas le pouvoir d´appliquer ces dernières et, tout particulièrement, en matière de Droit des sociétés!

    e) Finalement, il était également invoqué, sans aucun fondement, que l’arbitrage en amiable composition pouvait s´avérer incompatible avec l’application de normes impératives par l’arbitre, malgré que de nombreuses clauses compromissoires imposaient cette dernière pour le règlement de litiges sociaux[16]. Une fois de plus, les partisans de cette thèse confondaient la procédure à suivre avec les normes à appliquer[17], oubliant qu’une sentence arbitrale – à l’instar de toute autre décision judiciaire – ne pourrait en aucun cas éviter l’application de normes impératives, sous peine de nullité. De même, la Cour de cassation espagnole a-t-elle rappelé avec insistance que statuer en amiable composition ne revient pas à ignorer ou contrevenir aux normes du droit positif, mais tout simplement « adoucir » la rigueur de la loi « conformément au concept traditionnel d’équité, supérieur et complémentaire à la loi, qui tente de se rapprocher au maximum d’une décision juste, que la loi, en raison de son caractère général, ne pourrait atteindre »[18].

  3. 3ème Etape
    L’étape historique suivante est marquée par la fin de la « traversée du désert », avec la promulgation non seulement de la Loi sur l’arbitrage 36/1988, mais aussi par le biais des décisions rendues par la Cour de cassation espagnole en date du 18 avril 1998 et par la Direction Générale des Registres et du Notariat (DGRN) le 19 février 1998, auxquelles nous nous sommes référées auparavant.
    Plus précisément, la première décision (en l’occurrence celle de la Cour de cassation espagnole) admet sans hésitations qu´un litige en matière de droit des sociétés puisse être tranché par un arbitrage en amiable composition, et ce à propos d’une demande de nullité d’une convocation d’Assemblée Générale et d’annulation d’accords sociaux[19].
    De son côté, la Direction Générale des Registres et du Notariat (DGRN) considère cette même année qu’« il faut accepter que les statuts, en tant qu’ensemble de règles appelées à régir l’organisation et le fonctionnement de la société, trouvent leur origine dans la volonté unilatérale ou multilatérale des fondateurs, qui sont les personnes appelées à intégrer leur contenu dans leur propre document de constitution [article 12.1, c) de la Loi sur les Sociétés à responsabilité limitée] »[20].
    En conclusion, de telles décisions, rappelant brièvement les thèses de l’époque opposées à l’arbitrage, balaient du revers de la main ces dernières et reviennent à l’ancienne doctrine qui, pionnière en Europe[21], admettait (voire imposait!) la clause d’arbitrage dans le domaine du droit des sociétés.
  4. 4ème Etape
    À partir de cette date, allaient se succéder plusieurs projets de lois et certaines normes prévoyant la possibilité de soumettre à l’arbitrage les conflits sociaux. Entre elles:
    - L’avant-projet de loi sur les Sociétés Anonymes du 22 octobre 1992 ;
    - Le projet de loi sur les Sociétés à Responsabilité Limitée du 22 octobre 1992 ;
    - La loi 7/1997 du 18 juillet 1997, relative aux associations de la “Generalitat” de la Catalogne ;
    - La loi 27/1999 du 16 juillet 1999, sur les coopératives de l’Etat (en sa dixième disposition additionnelle) ;
    - D’autres lois en matière coopérative émanant de communautés autonomes, telle la loi 8/2003 promulguée par la Communauté de Valence ;
    - Ou encore l’Ordonnance du Ministère de la justice 1445/2003, qui approuve les statuts-types de la Société Limitée Nouvelle Entreprise (créée par la loi 7/2003 du 1er avril 2003).
  5. 5ème Etape
    Finalement, la dernière étape dans cette évolution conclue avec la promulgation de la nouvelle Loi sur l’arbitrage 60/2003 du 23 décembre 2003, qui a renforcé cette institution dans le domaine qui nous occupe. En effet, la dernière réforme du 20 mai 2011 (loi 11/2011) n’a fait que consolider la pratique susmentionnée en introduisant plusieurs normes qui règlent d´une manière spécifique cette matière[22]. En revanche, le législateur n´a pas profité de l´occasion pour réglementer d’autres aspects qui s´avéraient fort importants, tels que l’éventuelle accumulation de litiges arbitraux et étatiques ayant un même objet, ou encore l’intervention de tiers dans le processus arbitral[23].

3. LA CONVENTION D’ARBITRAGE SOUS UN ANGLE SUBJECTIF

Sous un angle strictement subjectif, certains points méritent d´être soulignés maintenant :

  1. Tout d´abord, la clause compromissoire, conformément à l’article 2.1 de la loi sur l’arbitrage espagnol, doit concerner bien évidemment des matières régies par la libre disposition[24]. En ce sens – ainsi que nous le verrons dans nos développements ultérieurs et comme nous venons tout juste de l´évoquer –, nous pouvons affirmer que la jurisprudence et la législation espagnoles se sont traditionnellement montrées assez flexibles, sous réserve de l’époque « anti-arbitrage » des années cinquante/soixante-dix en ce qui concerne notamment la contestation d’accords sociaux.
  2. Ensuite, la convention d’arbitrage pourra être insérée dans les statuts de la société ou, à l’inverse, dans un pacte extrastatutaire[25]. L’inconvénient de la seconde hypothèse est alors, selon la doctrine des auteurs, que la clause ne sera opposable qu’aux associés signataires[26] et à leurs héritiers, à moins qu’il ne s’agisse d’une société de personnes, auquel cas elle pourrait également être opposée à la société, compte tenu de son régime légal distinct[27]. A l’inverse, si la convention est inclue dans les statuts (avec une majorité des deux tiers ainsi que l’exige, depuis sa dernière révision, la Loi sur l’arbitrage)[28], rien ne s’oppose à ce que l’on puisse également l’étendre (outre à la société elle-même[29], aux futurs associés[30] et à leurs héritiers) aux dirigeants de la société (y compris aux dirigeants de fait reconnus comme tels)[31], à un associé séparé (si l’objet du litige est né à un moment où l’ex-associé faisait encore partie de la société)[32], aux titulaires de droits sur les actions ou les parts sociales[33] ou, encore, à une société absorbée dans le cadre d’une opération de fusion-absorption[34]. En revanche, ladite clause sera vainement invoquée dans d’autres hypothèses comme, par exemple, face à des tiers (pour la simple raison qu’ils n’ont aucun lien avec la convention d’arbitrage) ; face à des obligataires (dans la mesure où, en tant que tiers créanciers, ils ne pourront pas, en principe, être affectés par la clause compromissoire statutaire)[35]; face aux commissaires aux comptes de la société (puisque l’acceptation de leur mission n’emporte pas présomption de soumission aux statuts et, par conséquent, à la clause compromissoire[36]), ou encore en relation à des contrats de cadres-dirigeants (à moins que la fonction organique de direction n’absorbe la relation de travail)[37]. Il sera, de même, difficile d’argumenter en faveur de l’application de la clause dans le cadre de litiges concernant des groupes de sociétés ou procédant de contrats connexes. Dans de telles hypothèses, il conviendra désormais de faire preuve de prudence et de prendre exemple sur la brillante pratique de la Cour Internationale d’Arbitrage de la CCI depuis le milieu des années 1980[38].
  3. Troisièmement, en ce qui concerne la question de savoir si l’on doit rejeter systématiquement ou non la clause compromissoire insérée dans les statuts d’une société de capitaux, le débat doit être considéré comme étant désormais clos en faveur de l´arbitrage. Cependant, il n’en demeure pas moins qu’une jurisprudence constante estime que, dans les sociétés au capital modeste, les normes légales (dont, par conséquent, la possibilité de soumettre à l’arbitrage les litiges relatifs aux sociétés) doivent être appliquées avec une flexibilité majeure[39]. Toute autre est la situation des sociétés cotées, au sein desquelles se croisent des intérêts multiples et où l’associé est souvent relégué au statut de simple investisseur[40], puisque le centre névralgique est transféré de l’Assemblée Générale des actionnaires au Conseil d’Administration[41]. Et c’est d´ailleurs ce qui explique que, dans certains systèmes juridiques européens, l´on exclue toujours l’arbitrage pour ce type de sociétés, telles que les sociétés à capital-risque[42].

4. LA CONVENTION D’ARBITRAGE SOUS UN ANGLE OBJECTIF

Sous un angle objectif, la jurisprudence espagnole, comme nous venons de l´exposer, a largement admis que tout type de conflit en droit commercial puisse être réglé par le biais de l’arbitrage.
Dès lors, les litiges sociaux pour lesquels tant la doctrine que la jurisprudence des tribunaux admettent aujourd’hui l´arbitrage sont essentiellement les suivants :

  1. En premier lieu, les actions en annulation d´accords sociaux[43]. Peu importe désormais, en effet, que les accords aient été conclus au cours d’une Assemblée Générale d’associés ou d’un Conseil d’Administration, dès lors que la clause compromissoire autorise ce mode de règlement de litiges[44].
  2. En second lieu, sont concernés les litiges relatifs à la responsabilité des dirigeants[45], notamment en matière d’action sociale en responsabilité. En revanche, l’action individuelle est presque toujours exercée par des tiers créanciers à qui on ne saurait bien sûr opposer la clause compromissoire et, quand bien même elle serait déclenchée par des associés estimant que les actes des dirigeants leur ont causé un préjudice, de telles affaires pourraient difficilement être résolues par le biais de l’arbitrage[46]. A ce titre, peut être cité l’important arrêt de la Cour de cassation espagnole du 15 septembre 2004[47], où la Haute juridiction affirme solennellement que, dans la mesure où il s’agit d’une action sociale en responsabilité « d’un associé contre l’autre », celle-ci constitue un différend entre associés et, par conséquent, l’action relève bien de la clause compromissoire[48].
  3. En troisième lieu, tant la doctrine que la jurisprudence conviennent que la séparation et l’exclusion d’associés sont parfaitement arbitrables[49] à partir du moment où les droits des tiers sont suffisamment protégés par la législation, qu’il s’agisse de sociétés de personnes ou de capitaux[50]. A ce sujet, nous pouvons citer, entre autres, l´arrêt de la Cour d´appel de Barcelone du 26 février 2008 (JUR 2009\84469), ou encore l’intéressante décision du Tribunal de commerce n°1 de Cadix du 4 février 2004 (AC 2005\163). Une fois de plus, il est affirmé par lesdits tribunaux que l’application de normes impératives (au sein d’un arbitrage en amiable composition, en ce qui concerne la deuxième affaire) ne fait pas obstacle à ce que de tels conflits soient réglés par la voie arbitrale[51].
  4. En quatrième lieu, relèvent sans doute de la compétence des arbitres les litiges relatifs à la dissolution des sociétés, comme la jurisprudence actuelle[52] et la pratique arbitrale (notamment celle du Tribunal arbitral de Barcelone[53]) se sont chargées de nous démontrer. Par ailleurs, il convient aussi de relever que l’arbitrabilité des litiges de cette nature est admise depuis très longtemps (y compris lorsque la Cour de cassation espagnole rejetait pour partie cette possibilité), comme l’attestent les nombreuses décisions jurisprudentielles rendues dans les années 1960 et 1970[54]. Enfin, rien ne s’oppose à ce que la liquidation ultérieure et les conflits y afférents soient soumis à l’arbitrage[55], ainsi qu’en témoigne la pratique arbitrale susmentionnée.
  5. En cinquième lieu, la grande majorité de la doctrine contemporaine s’accorde à dire (bien que la question ne fasse pas l’unanimité)[56] que l’arbitre peut connaître des actions en nullité de la société. Et ce même s´il est vrai que certains tribunaux – tels que la Cour d’Appel de Madrid, dans un arrêt du 9 février 2004 (JUR 2004\231036) – continuent à rejeter une telle possibilité, en raison des éventuels risques de préjudices qui pourraient être causés aux tiers.
  6. Sixièmement, notre doctrine et notre jurisprudence admettent sans hésitations, à l´instar d´autres pays comme la France ou l´Italie, l’arbitrabilité des litiges relatifs à l’interprétation des statuts de la société. Mais une condition pertinente est cependant posée : dans la mesure où l’arbitrage présente une nature juridictionnelle, il faut bien que l’arbitre tranche un litige et non seulement qu’il se contente de compléter des liens juridiques incomplets, sous peine de ne constituer qu’un acte de juridiction gracieuse.
  7. Pour conclure, l’arbitrabilité de l’évaluation d’apports en nature[57] ou de la répartition des bénéfices[58] a été de même admise par les tribunaux étatiques espagnols. En tout état de cause, il ne faut pas oublier aussi que les arbitres ont la faculté d’accorder des mesures protectrices très utiles de nature conservatoire, telles qu’une demande de suspension de l´efficacité des accords sociaux attaqués.

5. CONCLUSION

Comme le souligne Cremades, « la controverse doctrinale relative à l’arbitrabilité ou non de la contestation des accords sociaux relève, fort heureusement, de l’histoire du droit espagnol »[59]. Effectivement, comme nous l’avons exposé auparavant, le dernier pas nécessaire pour compléter le cercle de la consécration totale de l’arbitrage en matière des droit des sociétés a été franchi en Espagne en 1998, lorsque la Direction Générale des Registres et du Notariat ainsi que la Cour de cassation espagnole ont mis fin à la doctrine anti-arbitrage qui perdurait depuis les années cinquante.
En revanche, ce n’est pas pour autant que l’arbitrage dans ce domaine s´est toujours manifesté comme à l´heure actuelle, comme nous venons de même de le constater. Malgré tout, ce mode alternatif de règlement de litiges s´est développé historiquement beaucoup plus que dans d’autres Etats de l’Union Européenne. Ainsi, en Allemagne ou en Italie[60] par exemple, subsistent encore à l´heure actuelle certaines critiques à l’encontre de cette institution pourtant si importante et indispensable pour le bon fonctionnement de nos sociétés, compte tenu des multiples conflits surgissant au sein de ces dernières et de l’impérieuse nécessité de les résoudre rapidement, pour répondre aux exigences de la mondialisation du domaine économique et entrepreneurial.
Il n’en demeure pas moins que, lors de la dernière révision de notre Loi sur l’arbitrage en mai 2011, notre législateur a manqué l’occasion de réglementer d’importantes questions que suscite cette matière, comme l’intervention des tiers dans le processus arbitral, entre autres[61]. En revanche, le législateur s’est contenté de reconnaître de manière générale l’arbitrabilité de ce type de litiges, que la pratique arbitrage avait déjà consacrée, comme nous venons de l´exposer jusqu´à présent[62].

 

[1] Texte traduit par Mme Nathalie Picod, Maître de Conférences à l´Université Toulouse 1 Capitole.
[2] Pour une bonne synthèse de l’évolution doctrinale et prétorienne de ce sujet, en France comme en Belgique, voir l’étude de M. B. HANOTIAU, « L’arbitrabilité des litiges en matière de Droit des sociétés », Mélanges offerts à Claude Reymond, Litec, 2004.
[3] Ainsi que l’affirme pertinemment M. Vicent Chulià citant M. Muñoz Planas (« Arbitrage en matière de contestation d’accords sociaux. Acte final », Annuaire de justice alternative, n°1/2001, VLEX-245759) : « L’arbitrage en matière de sociétés entraîne des controverses dont l’arbitrabilité est pacifique, notamment l’inexécution du précontrat de société, la nullité de la société, l’évaluation des apports sociaux, ou des actions ou des participations, la réalisation des apports, la responsabilité et la rémunération des dirigeants, l’exclusion et la séparation des associés, la dissolution et la liquidation ».
[4] « Le jugement est lent, très lent pour une entreprise qui subit une forte concurrence dans un environnement tumultueux, dans lequel il n’y a pas de place pour des délais et des moratoires, des échéances et des décisions qui tardent à être adoptées, des recours, des mesures conservatoires ou des appels interminables » (Hernández Zubizarreta, « L’arbitrage et l’entreprise : quelques réflexions personnelles », Etudes de Deusto : Revue de l’Université de Deusto, n° 2, 2002, p. 204).
[5] Comme l´affirme Carazo Liébana, L’arbitrage en droit des sociétés, Madrid, 2005, p. 46. Au regard de la nature juridictionnelle de l’arbitrage, en tant qu’« équivalent juridictionnel » (termes employés par le Tribunal Constitutionnel espagnol dans sa célèbre décision du 23 novembre 1995) ou mode alternatif de règlement des conflits (sur ce point particulier, v. notamment Serra Domínguez, « Nature juridique de l’arbitrage », Droit processuel, Barcelone, 1969, p. 571 et s.. En effet, comme l’affirme synthétiquement la sentence de la Cour de cassation espagnole du 8 novembre 1985 (RJ 1985\551), « l’arbitre, lorsqu’il tranche un conflit, décide sans se contenter d’intégrer ou de compléter le rapport ».
[6] Campo Villegas, « Thèmes d’arbitrage en droit des sociétés vus par un notaire », La Notaria, n°47-48 (2007).
[7] Cremades, « L’arbitrage en droit des sociétés », Revue La Ley, Rubrique Doctrine, 2000, Réf. D-281, Tome 9.
[8] Carazo Liebana, « L’arbitrage en droit des sociétés », op. cit., p. 30 et 31. Il faut de même ajouter que, comme l’enseigne Muñoz Planas (« Quelques problèmes d’arbitrage en matière de sociétés commerciales », Etudes de droit commercial en hommage à Rodrigo Uria, et al., Madrid, 1978, p. 390 et 391), l’arbitrage obligatoire pour les « compagnies commerciales » était déjà apparu dans les Ordonnances de Bilbao en date de 1737.
[9] Comme le démontre notamment sa décision du 16 mai 2003 (JUR 2004\14298). On peut également citer la sentence du 16 février 1999 (RGD, 1999, p. 11433 et s.) qui rejette l’arbitrage d’une contestation d’accords affectant les profils structurels d’une société. Pour le reste, comme l’affirme Vicent Chulià (« Arbitrage en matière de contestation d’accords sociaux. Acte final », op. cit., loc. cit.) : « l’ancienne thèse a continué à être défendue par les sentences des Sections 12 et 15 de la Cour d’Appel de Barcelone. La position de la Section 15, qui bénéficie d’un prestige doctrinal bien mérité, se fonde sur les sentences (…) du 13 mars 1998 (affaire Filadors de Torredembarra S.L.) et du 17 février 1999 (n° 965/996, affaire Saezprimero S.A.) selon une argumentation fermée contre l’arbitrage relatif à la contestation d’accords sociaux, qui parfois provoque un certaint’étonnement ».
[10] Ainsi que cela semble être le cas en Italie (Pieralli, « Le nouvel arbitrage en droit italien des sociétés : analyse comparée avec l’Espagne », Annuaire de justice alternative , n° 6/2005, p. 10).
[11] Campo Villegas, « Thèmes d’arbitrage en droit des sociétés vus par un notaire », op. cit., p. 22.
[12] Comme c’est le cas, par exemple, en Allemagne. Carazo Liébana : L’arbitrage en droit des sociétés, op. cit., p. 134 à 137.
[13] Une bonne illustration de ce mouvement peut être trouvée dans l’œuvre de Muñoz Planas, « Quelques problèmes d’arbitrage en matière de sociétés commerciales », op. cit., p. 459.
[14] Ainsi que le signale Campo Villegas, « Thèmes d’arbitrage en droit des sociétés vus par un notaire », op. cit., p. 26.[15] A la différence d’autres systèmes juridiques tels que l’italien où, afin de préserver précisément les intérêts des tiers, est encadré le mécanisme de l’intervention processuelle au sein de l’arbitrage en droit des sociétés (Pieralli : « Le nouvel arbitrage en droit italien des sociétés : analyse comparée avec l’Espagne », op. cit., p. 8).
[16] En effet, en observant les décisions rendues en la matière tant par la Cour de cassation espagnole que par les Cours d’Appel espagnoles, on peut vérifier que, dans un grand nombre d’hypothèses, la clause compromissoire stipulait un arbitrage en amiable composition.
[17] V., défendant une opinion similaire, Campo Villegas, « Thèmes d’arbitrage en droit des sociétés vus par un notaire », op. cit., p. 30.
[18] V. par exemple l’arrêt de la Cour de cassation espagnole du 30 mai 1987 (RJ 1987\3853), ou encore celle de la Cour d’Appel de A Coruña du 20 avril 1998 (AC 1998\4652). Sur le plan doctrinal, v. l’analyse de Prieto de Paula Conca : L’équité et les juges de l’équité, Madrid, 2011. Cependant, il convient également de reconnaître que cette controverse doctrinale n’a pas été exclusive de l´Espagne : d´autres pays européens, tels que l’Italie, exigent actuellement que, dès lors que l’arbitrage en droit des sociétés concerne des matières ne pouvant être transférées, l’arbitrage se fasse obligatoirement en droit. En ce sens, v. l’analyse élaborée par la « Commissione arbitratato dell’Ordine dei dottori commercialisti e degli esperti contabili de Milano » de septembre 2009, « Profili di attualità dell’arbitrato societario », Diritto e Pratica delle Società, n° 9-2009, p. 87 et s.[19] V. l’arrêt du 18 avril 1998, RJ 1998\2984. Sur le grand retentissement qu’a eu la décision à cette époque, v. entre autres Muñoz Sabaté, « La contestation d’accords de l’Assemblée Générale d’une Société Anonyme peut être tranchée par voie d’arbitrage », Revue juridique de Catalogne, 1998-4, p. 161 à 163.
[20] Décision du 19 février 1998, RJ 1998\1118.
[21] En effet, il convient de relever que ni la France, ni la Italie, ni encore moins la République Fédérale d’Allemagne n’admettaient l’arbitrage en droit des sociétés avec la même étendue que l’Espagne (où le Code de commerce de 1829 ou les ordonnances de Bilbao lui donnaient d’ailleurs un caractère obligatoire), ainsi que nous l’avons exposé antérieurement.
[22] Entre elles, l´article 11 bis, qui a été récemment interprété par la Cour d´Appel de Barcelone dans son arrêt du 4 avril 2014 (JUR 2015\204221).
[23] Comme l’affirme également Vicent Chulià, (« Arbitrage en matière de contestation d’accords sociaux. Acte final », op. cit.).
[24] En ce qui concerne le droit italien, Pieralli, « Le nouvel arbitrage en droit italien des sociétés : analyse comparée avec l’Espagne », op. cit, constate qu´ en matière de contestation d’un accord d’approbation des comptes annuels, l’arbitrage n’est pas admis en Italie dans la mesure où l’on considère qu’il est susceptible de porter atteinte aux intérêts des tiers (en raison des normes impératives qui régissent l’élaboration des comptes de l’exercice et de l’intérêt général qui découle de leur application correcte). En revanche, en Espagne, il est actuellement admis sans aucune réserve. V. par exemple l’intéressante décision de la Cour d’Appel de Barcelone du 16 mars 2005 (JUR 2005\125545). Pour sa part, Carazo Liebana (L’arbitrage en droit des sociétés, op. cit., p. 87 et 88) souligne, face au critère de « compétence-compétence » qui a été maintenu en Espagne, qu’« en Italie, demeure la position contraire, en d’autres termes la compétence des tribunaux pour connaître de la validité et du champ d’application de la clause compromissoire ».
[25] Sur ce point, voir l´arrêt du Tribunal Supérieur de Justice de la Catalogne du 6 février 2014 (RJ 2014\1987).
[26] Comme nous l’indique Chiarloni (« Appunti sulle controversie deducibili in arbitrato societario e sulla natura del lodo », Revue trimestrielle de droit et procédure civile, n°1, 2004, p. 126), les choses semblent être différentes en Italie : « mentre la clausola statutaria, come regola del gruppo vincola anche coloro che non hanno concurso a formarla (il che giustifica la limitazione di questa efficacia alle società piccole), nel caso del compromesso o di clausola non inserita nell´atto costitutivo una simile evenienza non potrà mai verificarsi ». Comme exception à ce qui a été antérieurement exposé, il convient de se référer à une affaire très intéressante commentée à l’ASA Bulletin (Vol. 24, n°1, 2006, p. 128 et s.), dans laquelle la Cour de justice du Canton de Genève refuse qu’une clause compromissoire insérée dans des statuts d’une société puisse être opposée à l’un des associés (il est vrai que l’extraordinaire spécificité de cette affaire a sans doute conduit les magistrats à adopter une décision aussi particulière).
[27] Cf Carazo Liebana, « L’arbitrage en droit des sociétés », op. cit., p. 93 et 94.
[28] La question de la majorité requise pour insérer une clause compromissoire dans les statuts de sociétés n’a pas spécialement fait l’objet d’une polémique en Espagne (sauf récemment lorsque, à l’occasion de la réforme de la Loi sur l’arbitrage, il a été question d’exiger que l’adoption d’un tel accord se fasse à l’unanimité : v. le premier projet de loi publié au BOCG du 8 septembre 2010, série A, n°85-1). En revanche, cet élément a fait l’objet d’une plus grande controverse dans d’autres systèmes juridiques tels que l’italien (cf Pieralli, « Le nouvel arbitrage en droit italien des sociétés : analyse comparée avec l’Espagne », op. cit.), pays où la majorité requise en la matière est la même qu’en Espagne.
[29] Ainsi que le relève Carazo Liebana (« L’arbitrage en droit des sociétés », op. cit., p. 93 et 94), suivant l’opinion majoritaire de la doctrine et de la jurisprudence espagnoles.
[30] Comme le résume le jugement du Tribunal de commerce n°1 de Cadix du 4 février 2004 (AC 2005\163), où était débattu l’opposabilité-même d’un pacte statutaire de soumission à l’arbitrage, à un associé qui souhaitait quitter la société[31] En ce sens, cf Olaizola Martinez, « L’arbitrage en droit des sociétés à l’époque de la globalisation », op. cit., p. 118.
[32] En ce sens, cf Carazo Liebana, L’arbitrage en droit des sociétés, op. cit., p. 225. Nous partageons totalement son opinion, de même que les nuances qu’il introduit au cours des pages suivantes.
[33] Ainsi l’explique Olaizola Martinez (« L’arbitrage en droit des sociétés à l’époque de la globalisation », op. cit., p. 111) qui ajoute : « dans la mesure où ils peuvent ou souhaitent exercer leurs droits sociaux face à la société (tels les droits de vote dans les Assemblées Générales, de réclamation du paiement de dividendes sociaux, de souscription préférentielle etc…) ».
[34] Olaizola Martinez : op. cit., p. 119 à 122.
[35] Olaizola Martinez : op. cit., p. 111.
[36] Olaizola Martinez : op. cit., p. 119.
[37] Comme l’indique pertinemment Olaizola Martinez (op. cit., p. 116 à 118) dans le prolongement de la doctrine jurisprudentielle susmentionnée, lorsque le cadre est également dirigeant, la fonction organique absorbe le relation de travail.
[38] Sur cet élément, cf entre autres Correa Delcasso, « L’extension de la convention d’arbitrage à des parties non signataires : analyse de la doctrine de la Cour d’arbitrage de la CCI », Arbitrage : commentaires pratiques pour l’entreprise, Madrid, 2011, p. 45 et s. ; ou « La clause d´arbitrage et son extension à des parties non signataires en arbitrage interne et international », Gazette du Palais, nº 359 à 362, 2013, p. 7 à 12.
[39] Sur cette question, cf notamment l’arrêt de la Cour de cassation espagnole du 20 avril 1960 (RJ 1284\1960).
[40] En ce sens (malgré quelques nuances manifestement anti-arbitrage), v. l’étude de Muñoz Planas : « Quelques problèmes d’arbitrage en matière de sociétés commerciales », op. cit., p. 381 et s., dont nous partageons en partie les conclusions sur cette question concrète. De son côté, Chiarloni (« Appunti sulle controversie deducibili in arbitrato e sulla natura del lodo », op. cit., p.127) affirme, après avoir adhéré à l’opinion antérieure, que dans de telles hypothèses « ne nasce una situazione molto simile a quella del consumatore, con analoghe esigenze di protezione giuridica ».
[41] Olaizola Martinez, « L’arbitrage en droit des sociétés à l’époque de la globalisation », op. cit., p. 89 l’affirme avec pertinence.
[42] Sur cet élément particulier, v. l’article intitulé « Profili di attualità dell’arbitrato societario », op. cit., p. 88, commentant la dernière réforme opérée en Italie.
[43] Ainsi que le relève pertinemment Carazo Liebana (L’arbitrage en droit des sociétés, op. cit., p. 124) dans le droit fil de la pensée de Calaza Lopez.
[44] A ce titre, l’arrêt de la Cour d’Appel de Madrid du 24 septembre 2010 (JUR 2010\386261) se révèle très intéressant, en ce qu’il a conclu que la partie ne pouvait contester les accords du conseil en sa qualité de dirigeant, dans la mesure où ladite contestation n’entrait pas dans le champ de la clause d’arbitrage. Par ailleurs, la jurisprudence admet l’arbitrage en droit des sociétés en matière de contestation d’accords sociaux : parmi les nombreuses décisions, v. les arrêts de la Cour d’Appel de A Coruña en date du 26 février 2001 (JUR 2001\101172), de Málaga du 23 avril 2002 (JUR 2002\235965), de Pontevedra du 10.février 2003 (AC 2003\431), de Guadalajara du 8 juillet 1997 (AC 1997\1429), de Vizcaya du 13 février 2002 (JUR 2002\219114) ou encore de Cantabrie du 24 novembre 2000 (JUR 2001\84660).
[45] En ce qui concerne cet élément, v. Muñoz Planas (« Quelques problèmes d’arbitrage en matière de sociétés commerciales », op. cit., p. 465).
[46] Carazo Liebana, L’arbitrage en droit des sociétés, op. cit., p. 190.
[47] RJ 2004\5476.
[48] De la même manière, v. l’arrêt de la Cour d’Appel de Saragosse du 29 décembre 2001 (JUR 2001\81246).
[49] Sur cette question particulière, v., encore récemment, Muñoz Planas, « Quelques problèmes d’arbitrage en matière de sociétés commerciales », op. cit., p. 480.
[50] Pour une étude approfondie de cette matière, nous nous référerons une fois de plus à l’étude de Carazo Liebana, L’arbitrage en droit des sociétés, op. cit., p. 190 et s..
[51] Comme l´affirme Campo Villegas, « Thèmes d’arbitrage en droit des sociétés vus par un notaire », op. cit., p. 47.
[52] En ce sens et à titre d’illustration, v. l’arrêt de la Cour de cassation espagnole du 30 novembre 2001 (RJ 2001\9855) ou encore celle de la Cour d’Appel des Iles Baléares du 24 octobre 2000 (JUR 2001\25135), concernant une hypothèse dans laquelle la liquidation de la société était soumise (là encore…) à un arbitrage en amiable composition. La décision de la Cour de cassation du 17 avril 2001 (RJ 2001\2395) est également intéressante : en l´espèce, la dissolution d’une société devait être tranchée par un tribunal arbitral, raison pour laquelle elle casse l’arrêt de la Cour d’Appel de Madrid qui appréciait d’office la nullité d’une convention d’arbitrage.
[53] En ce qui concerne la pratique susmentionnée du tribunal arbitral de Barcelone, v. Fernandez del Pozo, « Sur l’arbitrabilité des controverses relatives à la contestation d’accords sociaux », Revue générale du droit, n° 609, 1995, p. 6920.
[54] Campo Villegas (« Thèmes d’arbitrage en droit des sociétés vus par un notaire », op. cit., p. 49) va dans ce sens en citant, dans son intéressante étude, les décisions des 1er février 1960, 30 novembre 1961, 24 janvier 1969 et 31 janvier 1972, dans le prolongement de la pensée de Muñoz Planas et de Carazo Liebana. Par ailleurs, notre expérience en tant qu’arbitre et/ou avocat par devant le tribunal arbitral de Barcelone nous a effectivement permis de constater que la dissolution des sociétés a été et demeure devant ce dernier un thème récurrent, qui conduit à la désignation, par l’institution arbitrale, du liquidateur approprié.
[55] Ainsi l’affirme Carazo Liebana, L’arbitrage en droit des sociétés, op. cit., p. 215.
[56] A ce titre, Campo Villegas, « Thèmes d’arbitrage en droit des sociétés vus par un notaire », op. cit., p. 51. De son côté, Olaizola Martinez (« L’arbitrage en droit des sociétés à l’époque de la globalisation », op. cit., p. 110) considère également que cette matière est parfaitement arbitrable. De même, cf Carazo Liebana (L’arbitrage en droit des sociétés, op. cit., p. 168 et s.), qui signale cependant que le texte de la directive 68/151/CEE pourrait constituer un obstacle infranchissable à l’admission de l’arbitrage en la matière, puisque son article 11.1 exige que la déclaration de nullité soit déclarée par décision judiciaire, conformément aux prescriptions des anciennes lois sur les Sociétés anonymes et sur les Sociétés à responsabilité limitée. Contre l’arbitrabilité de la matière qui nous occupe ici, v. entre autres Polo, « Introduction et portée de l’efficacité de la clause compromissoire dans les sociétés commerciales », Bulletin du Tribunal arbitral de Barcelone, n°4, 1992, p. 67 et s..
[57] Pour une étude plus approfondie de cette question, cf Carazo Liebana, L’arbitrage en droit des sociétés, op. cit., p. 159 et s. ; ou encore Campo Villegas, « Thèmes d’arbitrage en droit des sociétés vus par un notaire », op. cit., p. 53 à 55.
[58] Ainsi l’affirme Campo Villegas, « Thèmes d’arbitrage en droit des sociétés vus par un notaire », op. cit., p. 55 et 56, citant une intéressante décision rendue par la Cour de cassation espagnole en date du 21 mars 1985.
[59] Cf Cremades, L’arbitrage en droit des sociétés, op. cit., p. 2. V. de même le récent arrêt du Tribunal Supérieur de Justice de Pampelune du 30 octobre 2013, RJ 2014\1563.
[60] Sur cette question, outre l´ouvrage de Carazo Liebana (L’arbitrage en droit des sociétés , op. cit.), nous recommandons la lecture en espagnol de l’étude de Vicent Chulià (« Arbitrage en matière de contestation d’accords sociaux. Acte final », op. cit.), qui expose une petite synthèse de la situation de ces deux pays et également de la France. Dans le même ordre d’idées, Fernandez del Pozo (« Sur l’arbitrabilité des controverses relatives à la contestation d’accords sociaux », op. cit., p. 6917) affirme pertinemment qu’en ce qui concerne l’Espagne, il s’agit là d’un « guide pour les perplexes ». Pour une vision d’ensemble du droit italien sur cette question, cf notamment Ruffini, « Il nuovo arbitrato per le controversie societarie », Revue trimestrielle de droit et procédure civile, nº 2, 2004, p. 495 et s. ; BOVE, « Arbitrato societario tra disciplina speciale e (nuova) disciplina di diritto comune », Revue de droit processuel, nº 4, 2008, p. 931 y s. ; Giudotti,« L´arbitrato di diritto comune in materia societaria », Revue trimestrielle de droit et procédure civile, nº 2, 2010, p. 675 et s.
[61] Ainsi que l’affirme Calaza Lopez (L’arbitrage en droit des sociétés , op. cit., p. 210). Il s’agit là, sans aucun doute, d’un « risque capital », que la dernière réforme n’a pas abordé, à notre grand regret. En ce sens, cf aussi Mullerat, (« L’arbitrage espagnol revisité (un résumé de ce qu’a fait ou n’a pas fait la loi de réforme 11/2011 du 20 mai 2011 », Iuris, n° 164, octobre 2011, p. 10 et s.).
[62] Ainsi que l’affirme de manière critique Peralez Viscasillas, « La réforme de la Loi sur l’arbitrage et l’arbitrage en droit des sociétés », Droit des affaires, n° 243, décembre 2010.

Téléchargement la Lettre n°3 dans sa totalité

pdfLa Lettre de la Chambre - n°3 Novembre 2017.pdf200 Ko